2005
Patrice MORTIER
Peintures récentes
Patrice Mortier est né en 1962, il vit et travaille à Lyon et en Saône et Loire.
Dans les années 1990, Patrice mortier nous proposait de fixer sur la toile des paysages tirés de photographies prise de façon aléatoire le long de ses déplacements quotidiens.
Aujourd’hui, son rapport à l’image est toujours intense, du voyage vécu il est passé au voyage internaute. Si par leur présence les toiles semblent être un écho plus ou moins proche de la culture « pop», Il demeure qu’elles ne peuvent être issues que de notre époque.
la fabrique du réel.
Les œuvres récentes de Patrice Mortier, "peintes (d’)après la web-cam", induisent une approche du réel par le biais de sa fabrique.
Si la photographie a libéré le peintre du travail de l'imitation de la nature, la web-cam , et d'une manière plus générale les technologies d'enregistrement (vidéo) et de diffusion en temps réel des images captées en des points très éloignés, ouvrent de nouvelles relations au temps et à l'espace.
Paradoxalement, la brèche temporelle qu'opèrent les peintures de Patrice Mortier est de l'ordre du ralenti, d'un temps de fabrication qui s'oppose à celui de la production.
Comment et quoi peindre aujourd'hui?
Les tableaux de Patrice Mortier sont-ils encore des fenêtres, des écrans, des panneaux?
Sans nostalgie pour un "ça a été" de la peinture, il nous montre avec bonheur la pertinence de celle-ci aujourd'hui.
Travestir l'image prélevée dans des sessions de web-cam, c'est donner à ces micros-événements le statut de séquences qui pourront former une histoire.
Le phénomène de scansion, de détails, renvoie bien sûr à la notion de "pixellisation", de la trame de l'écran d'ordinateur ou du moniteur de télévision. C'est aussi une forme d'esthétique de camouflage qui va bien au-delà d'un effet de surface. Patrice Mortier interroge de l'intérieur - c'est à dire en la faisant - la résistance de l'image. "La peinture marche par éclats. Un art de l'éclat. Du détail. Fragmenté par nature. C'est pourquoi la composition importe tant.(…)C'est toujours un détail qui agit. Par le détail qu'on se fait capturer dans un tableau. Par le détail qu'on entre dans le tableau. Et personne ne peut dire à l'avance quel est le détail qui va agir ni après, comment il a agi."
Il y a donc une action des éléments de la peinture qui composent l'image et qui vont stimuler notre mémoire pour que nous reconnaissions des formes. C'est ce processus d'identification que pointe et met en jeu Patrice Mortier.
Au delà du frottement fiction - réalité, les scènes peintes gardent dans leur traitement la trace de différentes temporalités.
Le geste premier est celui de pointer, au propre comme au figuré, d'arrêter un événement dans le flux - tendu de la production continue. Suspendre le défilement.
Sortir du présent continuel et finalement libérer des images du flot informe du réel.
Choisir un temps, heure, minute, seconde, c'est donner des coordonnées à personnes, des bâtiments, des rues.
En cela Patrice Mortier crée les conditions d'une expérience du regard non soumise au savoir, une prise de conscience en direct du réel comme construction imaginaire.
"Une chose arrive. On croit que tout chavire. Et rien. Il ne se passe rien. Pas vraiment. (…) Comme si la vraie mesure de ce qui arrive devait se prendre dans la vacillation de l'image des choses.
Des événements qui déchirent les images".
Une jeune femme criant et levant le poing, un groupe de jeunes gens devant une vitrine, un homme et une femme choisissant un accessoire, deux hommes se dirigeant vivement vers une femme, appuyée à un mur, un salon de coiffure, une rampe d'autoroute, un escalier roulant…
Autant de manières de mettre en mots des scènes qui pourraient avoir des milliers d'autres versions. Comme l'avait fait John Baldessari mais dans le registre du cinéma et de la photographie, Patrice Mortier met en cause la validité des images, notre confiance en la véracité de ce que nous voyons. Cette suspension du sens s'opère dans l'utilisation du pochoir pour former les mots. Ainsi "Media Plan Coolercan", Las Vegas, MGM Grand Hôtel", "Aboutagirl.com", "Ksexradic.com", quittent leur statut froid de noms de sites ou de logos et sont investis d'une touche "personnalisée". Ils deviennent des "portraits de mots", alors que les scènes, fond d'images, perdent le lisse photographique et distancé de l'écran pour devenir, selon la proximité du spectateur, images reconnaissables ou paysages.
Marie de Brugerolle
Ivan FAYARD
Dans la suite des « tondibules », les « spermators »
Ivan Fayard multiplie les procédures et les recherches simultanément à des investigations portant sur l’image et sa représentation (peinture sur toile, peintures murales, objets fonctionnels tels les Ejectables du Tokyo Eat Restaurant).
L’œuvre d’Ivan Fayard se caractérise par l’optimisme pictural affiché de prime abord et par la confrontation de structures thématiques formellement très différentes les unes des autres.
Pour cette exposition, l’artiste présente de nouvelles œuvres issues de la série des Spermators (iris biomorphiques peints qui semblent nous suivre).
Dans de nombreuses séries distinctes, Ivan Fayard part à la fois d’une représentation de la vision et du langage écrit, afin de créer des abstractions qui remettent en question la fonction picturale initiale. Entre lisibilité et visibilité, Ivan Fayard brouille les pistes et le visiteur se trouve au sein d’un dispositif dont il demeure le décrypteur. L’artiste pousse le concept de l’image à ses limites. Il ne se contente pas d’analyser les modes de production d’une image sur la surface, dans le jeu entre couleur et composition sur la toile. Bien plus, il exploite constamment le geste tracé au pinceau pour définir ces sujets au-delà de leur signification prévue. L’œuvre d’Ivan Fayard est une véritable interrogation sur les enjeux et les limites de la représentation de l’espace pictural accordé à la peinture et nous invite à une réflexion sur le jeu de l’illusion picturale d’une image.
Ivan Fayard a récemment participé aux expositions « Jokes » au Mamco à Genève, « I Am A Curator à la Chisenhale Gallery à Londres (commissariat Per Hüttner), « La Lettre Volée » au Musée des Beaux-arts de Dôle (Commissariat Vincent Pécoil) et à « la partie Continue » au Crédac à Ivry-sur-Seine (commissariat Claire Le Restif). Il expose actuellement à Atelier Cardenas Bellanger, Paris, à la galerie Les Filles du Calvaires, Paris.
Ivan Fayard est diplômé de l’École Nationale des beaux-arts de Lyon et a résidé à l’18th Street Art Center de Los Angeles en 2003.
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Christophe MEYER
Again Goost
Carton d’invitation de l’exposition
Sophie SOMMERLATT
No future. Spleen by Sophie Sommerlatt
Née en 1976, Sophie Sommerlatt a suivi les cours de l’Ecole des Beaux-Arts de Mulhouse. Elle vit et travaille toujours dans cette ville. Elle s’est révélée au public depuis déjà quelques années dans des expositions collectives et la décoration de manifestations importantes en réalisant des motifs subversifs sur papier peint, jouant sur le trompe-l’œil, ou encore dans des actions dont l’une des plus importantes s’intitulait « 1001 Vénus ».
Depuis peu, Sophie Sommerlatt donne un nouveau sens à son travail, influencée par le romantisme noir jusqu’à la fascination, créant une nouvelle esthétique, non sans nous entraîner dans les pièges de l’écoute et du regard.
Pour cette exposition à Chalon sur Saône mon travail prend un tournant plastique. Il ne s’agit plus d’amener du sens par subversion ou trompe-l’œil. Je tends à créer une esthétique romantique noire contemporaine, inspirée de la peinture romantique du 19ème siècle, où le paysage tient une place de choix parmi les sujets abordés. En référence plus précise à la beauté négative des œuvres du romantique allemand Caspar David Friedrich.
Il s’agit d’une installation expérimentale sonore et visuelle d’une image inversée d’étang, où ciel et eau fusionnent, ainsi que son et image. L’apparition de « no future » à l’horizon, fait appel à l’imaginaire, en se profilant tel un château ou un manoir. La voix vient rythmer les couches de couleurs et crée ce que j’appellerais une oscillation orageuse. Elle indique l’énumération d’un glossaire de projets écologiques lié à la matrice sociale.
L’écho, sirène esseulée, accentue l’idée de déperdition, de vide, de solitude.
Le spectateur se trouve alors dans la position du contemplatif, du méditatif face au paysage.
Il s’agit plus d’un état d’esprit, d’une introspection que d’un style.
« Le peintre ne doit pas seulement peindre ce qu’il voit devant lui, mais aussi ce qu’il voit en lui. »
(Caspar David Friedrich, Greifswald, 1774-Dresde, 1840).
Vue de l'exposition
Gerald PETIT
Heroes
Gerald Petit, qui assure la Direction des études à l’École municipale d’art de Chalon-sur-Saône (EMA fructidor), assume parallèlement une carrière d’artiste très engagé dans le multimédia. Il a exposé en 2004 au Palais de Tokyo à Paris et il a en septembre 2005 une exposition à New York.
A la demande d’Art Image, il réalisera à la Chapelle du Carmel une installation s’inscrivant dans sa réflexion actuelle sur l’art et le statut de l’artiste.
Envahissantes images. Omniprésentes, médusantes images. Intruses, jusqu’au plus intime de nos vies. Incrustées dans la trame de nos imaginaires, de nos rêves, les images recouvrent le réel de leur voile. Cet enveloppement génère le paradoxe d’une virtualité réelle : d’un agissement concret de l’image fictive sur la réalité vécue. D’où la multiplication des psychopathologies participant d’une confusion entre mondes imaginaire et réel. L’heure n’est effectivement plus à la reconduction, caduque, de l’ancienne dichotomie entre iconoclasme et iconodulie. Mais l’iconocrash produit par la répétition inlassable, en rotation constante depuis l’impact inconcevable, de l’encastrement des deux avions dans les deux tours, le onze septembre, n’a fait qu’entériner de manière extrême la puissance d’impact d’une image médiatique vécue dans le temps réel et global de l’iconophilie contemporaine. Cet iconocrash radical, provoquant la destruction des emblèmes, n’est que la partie saillante d’un principe imageant inscrit au cœur du fonctionnement de la surmodernité. Face à cette profusion générée par les flux médiatiques, face à une communication globalisée fondée dans son processus sur une interaction entre émetteur et récepteur, l’art n’a que peu de poids. Mais s’il est vrai que l’art a perdu depuis longtemps la primatie des représentations, il conserve malgré tout la capacité d’inquiéter l’image quotidienne. De déclencher un iconoclash, c’est-à-dire une confrontation entre des régimes de représentation a priori incompatibles, et qui pourtant n’ont cessé de s’influencer l’un l’autre depuis l’irruption de la modernité, en passant à la vitesse supérieure de ces échanges permanents depuis l’avènement du Pop Art. C’est la stratégie de la critique de l’image par l’image, qui consiste à actualiser l’image ordinaire pour en déconstruire les procès de symbolisation, par le développement d’un dispositif plastique dans l’espace physique et mental de l’exposition.
(…) Toute la recherche de Gerald Petit consiste à expérimenter les modalités d’apparition, de génération et de fixation des images. Il utilise pour cela plusieurs médiums, tels des outils, et plusieurs catégories de représentation, sans exclusive. Son analyse de l’image se constitue sur le socle référentiel de la peinture, à travers les diverses aventures de sa fonction représentante. Son usage de la photographie se déploie sur un large spectre de styles et de genres, de la convention du portrait à la mise en scène d’univers fictifs. L’énigme de l’identité pourrait rassembler toutes les images qu’il produit. Quelque chose d’irréductible, propre à l’art, et qui traverse toute son histoire par le biais de mythes sans cesse reformulés : l’ambivalence de la représentation, par son caractère vériste et sa force d’illusion ; le fantasme absolu du dédoublement, de la projection dans un personnage qui n’est pas soi. Tant les huiles sur toile, les grandes peintures murales que les photographies de Gerald Petit explorent cela : qui est la personne représentée ? quelle énigme porte-t-elle ?
La manière qu’a Gerald Petit d’infiltrer la réalité d’une situation donnée pour y rechercher un personnage de fiction, qui sort de son imagination, et qu’il va pourtant trouver et portraiturer évoque quelque chose de la schizophrénie ultra contemporaine décrite par Bret Easton Ellis dans son roman Glamorama. Le personnage, Victor Ward, glisse progressivement dans une folie qui devient son réel. Un réel cinématographié, bien au-delà du reality show ou du feuilleton documentaire, où un metteur en scène serait toujours tapi dans l’ombre, à chaque instant de la vie d’un individu qui seul verrait l’équipe de tournage. Deux phrases de la quatrième de couverture sont particulièrement éloquentes à cet égard : « La vie de chaque individu n’est-elle pas le résultat d’un complot généralisé ? Et si la réalité entière est devenue un film, par quelles portes sort-on de cet enfer ? »
Pascal Beausse
Affiche de l'exposition
Vues de l'exposition